Il était une fois les abat-jour – Part. 2

3 juillet 2023

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La petite histoire des abat-jour…

A l’origine, l’abat-jour était un réflecteur de lumière qui s’adaptait à un chandelier ou à une lampe à huile, afin de rabattre la lumière et protéger les yeux de la flamme de la bougie. On l’appelait écran de lumière ou garde-vue. Ce nom perdurera jusqu’au XIXème siècle. La première partie se concentrait sur la période Renaissance – XVIIIème siècle. Voyons maintenant le parcours de l’abat-jour depuis le XIXème siècle jusqu’à l’époque moderne.

XIXème siècle : amélioration de la qualité de la lumière

Début XIXème, Carcel perfectionne encore le système en utilisant un mécanisme d’horlogerie et améliore la qualité de la lumière. A tel point que Madame La Comtesse de Genlis, dans son Dictionnaire critique et raisonné des étiquettes de la cour en 1818, s’inquiète :

« Depuis que les lampes sont à la mode, ce sont les jeunes gens qui portent des lunettes, et l’on ne trouve plus de bons yeux que parmi les vieillards, qui ont conservé l’habitude de lire et d’écrire avec une bougie voilée par un garde-vue. On convient que les lampes sont pernicieuses pour les yeux, et que même leur odeur est dangereuse, surtout pour les nerfs ; mais qu’importent ces bagatelles, tant que l’on trouvera qu’une lampe a plus d’élégance qu’un beau flambeau ! »

Ces lampes possèdent des abat-jour en tôle peinte voire en porcelaine pour la lampe Carcel.
A partir de 1853, une huile enfin fluide venue d’Amérique, le pétrole lampant, fait son apparition. La lampe à pétrole se substitue alors peu à peu à la lampe à huile et connait un grand succès.

Fonctionnant sur le principe de la lampe Quinquet, elle possède une cheminée de verre sur laquelle on pose un globe en verre transparent ou dépoli ; puis est ajoutée une structure métallique qui va permettre de poser des abat-jour afin d’atténuer l’éblouissement dû à la flamme.

C’est l’essor des abat-jour en carton peints ou imprimés, mais également en tissu avec des formes s’inspirant largement de la mode féminine de l’époque. Leur rôle n’est plus de rabattre la lumière mais plutôt de la tamiser et la diffuser.

Alfred Stevens,Rentrée du monde,Vers 1867,huile sur bois, Achat en vente publique,1894,DR-Musée d'Orsay-Château de Compiègne
Gravure ancienne 1885 lampe abat-jour bougie pour table de jeux
Marchand d'abat-jour sur le pont d'Arcole, 4ème arrondissement, Paris, entre 1900 et 1906, © Louis Vert - Musée Carnavalet Histoire de Paris
Sous la lampe, huile sur toile, Victor Lecomte, début XXème -© Alain Guillard- Musée des Beaux-Arts de Nantes
Alfred Stevens,Rentrée du monde,Vers 1867,huile sur bois, Achat en vente publique,1894,DR-Musée d'Orsay-Château de Compiègne
Alfred Stevens,Rentrée du monde,Vers 1867,huile sur bois, Achat en vente publique,1894,DR-Musée d'Orsay-Château de Compiègne
Alfred Stevens,Rentrée du monde,Vers 1867,huile sur bois, Achat en vente publique,1894,DR-Musée d'Orsay-Château de Compiègne
Ernest Duez, Autour de la lampe, vers 1882, huile sur toile, Achat, 1895©RMN-Grand Palais Musée d’Orsay-Adrien Didierjean
Emile Zola, Table de travail d'Emile Zola, vers 1898, épreuve argentique, Don Fondation Kodak Pathé1983©Musée d’Orsay,Dist. RMN-Grand Palais-A.Brandt
Alfred Stevens,Rentrée du monde,Vers 1867,huile sur bois, Achat en vente publique,1894,DR-Musée d'Orsay-Château de Compiègne
Abat-jour soie et dentelle - Fin XIXème siècle
Marchand d'abat-jour, rue Lepic, Montmartre, 18ème arrondissement, Paris 1899, Eugène Atget, © CC0 Paris Musées Musée Carnavalet
Sous la lampe, huile sur carton parqueté, Pierre Bonnard entre 1867 et 1947© Musée d'Orsay, Dist. RMN-Grand Palais - Patrice Schmidt
Alfred Stevens,Rentrée du monde,Vers 1867,huile sur bois, Achat en vente publique,1894,DR-Musée d'Orsay-Château de Compiègne
Alfred Stevens,Rentrée du monde,Vers 1867,huile sur bois, Achat en vente publique,1894,DR-Musée d'Orsay-Château de Compiègne
Soirée sous les lampes, huile sur toile Pierre Bonnard 1903 - ©collection Barnes Foundation
Jeune femme lisant debout, négatif de Constant Puyo 1857-1933,©Ministère de la Culture,Médiathèque du patrimoine et de la photographie,diff. RMN-GP
A la fin du XIXème, le gaz arrive en ville mais est principalement réservé à l’éclairage public des rues. Dans les maisons, la lampe à gaz est utilisée pour des suspensions ou des appliques.

Parallèlement, dès le XVIIIème siècle, époque des Lumières, de nombreux savants et inventeurs tentent des expériences électriques dont les plus impressionnantes sont montrées auprès des souverains et de leur cour.

En 1799, Volta met au point la première pile électrique et en fait une présentation devant l’Institut de France et Napoléon Bonaparte. Son invention permet de nouvelles avancées sur l’électricité. En 1831, Faraday découvre l’induction et met au point l’ancêtre des moteurs électriques. Puis c’est en 1879 qu’Edison conçoit la lampe à incandescence.

Il faut attendre la fin du XIXème siècle pour que l’électricité soit produite en quantité et remplace peu à peu le gaz pour l’éclairage des habitations et des villes.

XXème siècle : l’électricité entre dans la vie quotidienne

Au XXème siècle, l’électricité entre dans la vie quotidienne.
La simplification des systèmes d’éclairage lève les derniers freins à la créativité des concepteurs de lampe.

Ainsi, début 1900, L’Art Nouveau se manifeste en réaction au manque d’imagination des créateurs de la deuxième moitié du XIXème siècle, lesquels se cantonnaient à des copies des styles du passé. Des créateurs comme Daum, Majorelle, Gallé, Lalique en France et Tiffany aux Etats-Unis, s’inspirent alors du monde végétal pour dessiner leurs lampes en verre et métal sculpté avec un foisonnement d’entrelacs.

Lampe Eglantine Daum Majorelle 1898 - Art Nouveau - © Harry Bréjat ; © Réunion des musées nationaux
Lampe Eglantine Daum Majorelle 1898 – Art Nouveau – © Harry Bréjat ; © Réunion des musées nationaux
Lampe Majorelle Daum Art Nouveau - entre 1902 et 1904 - © Hervé Lewandowski ; © Réunion des musées nationaux
Lampe Majorelle Daum Art Nouveau – entre 1902 et 1904 – © Hervé Lewandowski ; © Réunion des musées nationaux
Lampe Emile Gallé Art Nouveau début XXè - ©Alain Maulny- Région Nouvelle-Aquitaine, Inventaire général du patrimoine culturel
Lampe Emile Gallé Art Nouveau début XXè – ©Alain Maulny- Région Nouvelle-Aquitaine, Inventaire général du patrimoine culturel

Les formes 1900 apparaissent rapidement trop baroques et après l’exubérance des froufrous des abat-jour, le goût s’oriente vers des lignes simples, plus sobres et épurées. L’Art Nouveau fait place à l’Art Déco.

De nouvelles techniques de fabrication d’abat-jour apparaissent où les tissus sont collés sur des papiers épais et tendus sur des structures métalliques. Le parchemin est également un matériau très utilisé. On trouve aussi des abat-jour en vessie de porc. Pour autant, les abat-jour en tissu cousu ne sont pas abandonnés et l’on continue à les proposer en plissés, en tendu sous forme de pagode, de dôme, de cône, … souvent avec une finition en passementerie (franges, rubans, perles, etc.).

Catalogue lampes Tito Landi 1923
Catalogue lampes Tito Landi 1923
Lampes chambre d'enfant-Primavera-Photographie Thérèse Bonney 1927-© Ministère de la Culture (France), Médiathèque du patrimoine et de la photo
Lampes chambre d’enfant-Primavera-Photographie Thérèse Bonney 1927-© Ministère de la Culture (France), Médiathèque du patrimoine et de la photo
Lampe avec abat-jour en vessie de porc - circa 1940-1950
Lampe avec abat-jour en vessie de porc – circa 1940-1950

Les designers, dès les années 20, s’emparent des nouveaux matériaux pour concevoir des luminaires aux formes toujours plus audacieuses.

La démocratisation du plastique à partir des années 1950, une matière innovante développée depuis le début du XXème siècle, va permettre de donner plus de transparence aux abat-jour mais également de travailler des formes originales.

Aujourd’hui, l’abat-jour est un incontournable de la décoration intérieure, et si l’industrialisation l’a standardisé, les artisans perpétuent un savoir-faire et font preuve de créativité pour concevoir une pièce unique, en travaillant les formes avec des matières nobles et naturelles.

Lampe avec abat-jour évasé en bronze 1911-1944 © Isabelle Bideau - Mobilier national
Lampadaire mod.SN31 dit La Religieuse Pierre Chareau, circa 1927- Art Déco - ©Artcurial
Lampe de bureau en cuivre repoussé, bronze or verni - Boris Jean LACROIX 1937 style Art Déco © Isabelle Bideau - Mobilier national
Lampe cubiste - travail français 1920-1930- Art Déco -©Artcurial
Lampe Suzanne Agron, photographie Thérèse Bonney 1927-© Ministère de la Culture (France), Médiathèque du patrimoine et de la photographie, diff. RMN-GP
Lampadaire 3 lumières, Jean Royère,1948 © Mobilier national - Isabelle Bideau
Lampe Hervé Van Der Straete,2003 © Mobilier national - Isabelle Bideau
Lampe d'ambiance Eileen Gray - Circa 1922-1925 - Art Déco © photo Leclere
Lampe Krieger, photographie Thérèse Bonney 1929-© Ministère de la Culture (France), Médiathèque du patrimoine et de la photographie, diff. RMN-GP
Lampe de François Roques - photographie Thérèse Bonney - 1930 © Ministère de la Culture (France), Médiathèque du patrimoine et de la photographie
Lampadaire Lunel circa 1950
Lampadaire sculpture Eileen Gray - circa 1922-1924 - Art Déco-© Artcurial
Lampadaire André ARBUS, 1957© Mobilier national
Lampadaire mod. Wo-Tum-Bu réédition modèle de 1998, Ingo Maurer, 2011 © Mobilier national - Isabelle Bideau

Bibliographie

  • Dictionnaire de l’ameublement et de la décoration : depuis le XIIIème siècle jusqu’à nos jours – Tome 1 par Henry Havard (1838-1921), Edition 1894, Bibliothèque Nationale de France-Gallica
  • Histoire du luminaire depuis l’époque romaine jusqu’au XIXème siècle par Henry-René d’Allemagne 1863-1950), archiviste-paléographe ; illustrations de Emile Solvet, Edition 1891, ETH-Bibliothek Zürick
  • Livre-journal de Lazare Duvaux, marchand bijoutier ordinaire du roy, 1748-1758 : précédé d’une étude sur le goût et sur le commerce des objets d’art au milieu du XVIIIè siècle – Tome 2, Edition 1873, Bibliothèque Nationale de France-Gallica
  • Annonces, affiches et avis divers Paris – 25 février 1762 – Directeur de publication : Jean-Louis Aubert (1731-1814), Bibliothèque Nationale de France -Gallica
  • Annonces, affiches et avis divers Paris – 31 juillet 1760 – Directeur de publication : Jean-Louis Aubert (1731-1814), Bibliothèque Nationale de France -Gallica
  • Dictionnaire critique et raisonné des étiquettes de la cour, des usages du monde, des amusements, des modes… Contenant le tableau de la cour, de la société, et de la littérature du dix-huitième siècle ou l’esprit des étiquettes et des usages anciens, comparé aux modernes. Par moi, la Comtesse de Genlis. Tome premier deuxième, 1818 – Bibliothèque Nationale de Naples
  • Pop.culture.gouv.fr – la plateforme ouverte du patrimoine – Ministère de la Culture
  • Collection du Mobilier National/ Les Gobelins
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